Squid game : j'ai vu, j'ai aimé et j'ai peur pour le salut de mon âme

Squid Game ©Netflix

"Mais noooon !" Rohlalala ! Mais qu'est-ce qu'ils font ?", "Aïeaiëaïeaïeaïe !!", "Pourquoi !?!?", "Ah ouais... d'accord".

Bref, j'ai vu Squid Game.

Et j'ai aimé alors que c'est tout ce que je déteste, en théorie. J'ai soigneusement évité de voir Saw (mais je me suis pas privée de faire des jeux de mots douteux quand est sorti Saw 6). Je n'aime pas les programmes qui font peur comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer ICI. Ni ceux qui tendraient à valider l'idéologie selon laquelle ceux qui ont un esprit de compétition surdéveloppé (et les brutes en tout genre)  méritaient plus de réussir (ou de vivre) que les autres. C'est le genre de truc qui me fait pleurer. Je précise tout de même que j'ai regardé Hunger Games et j'ai kiffé mais sûrement parce qu'il était question de révolte populaire.

Si je suis facilement traumatisable, pourquoi ai-je donc regardé Squid Game ? 

Je me suis fait avoir par le titre "Le jeu du calamar" qui suggérait plutôt un drama "bon enfant", ludique ou culinaire. Et l'affiche m'a plu. Je n'aurais jamais parié sur l'association rose bonbon-vert mais ça accroche l'oeil. En même temps, le rose pétant est à la mode, on dirait : la combi des geôliers de Squid Game rappellent celle que portent (enfin, pas tout le temps) les prisonniers du clip de Lil Nas X,  Industry Baby. Et maintenant que j'y pense, j'ai vu des tenues similaires dans le drama The devil Judge : un célèbre acteur coréen condamné pour viols devait purger sa peine dans une prison pour délinquants sexuels au Texas où les détenus l'attendaient de pied ferme en uniforme rose.

Tout ça pour dire que j'étais déjà bien harponnée avant de lire le synopsis que voici :

Tentés par un prix alléchant en cas de victoire, des centaines de joueurs désargentés acceptent de s'affronter lors de jeux pour enfants aux enjeux mortels.

J'aurais pu passer mon chemin mais je n'ai pas pris au sérieux la mention "enjeux mortels". J'ai cédé à la curiosité et une fois dedans, j'étais tellement hallucinée par tout ce qui se passait à l'écran que je me suis retrouvée à touuuuuuut regarder, bouche béante et oeil exorbité.

Attention, la suite contient des spoilers !

On suit Seong Gi-hun, divorcé, criblé de dettes et joueur invétéré. Le jour de l'anniversaire de sa fille dont il n'a pas la garde. Il va jouer aux courses, il perd, rejoue avec l'espoir de se refaire, gagne, se fait dépouiller de son gain par une pickpocket et se prend une raclée de son prêteur sur gage. Le soir même, il est recruté dans le métro par un inconnu inquiétant - quand on vous dit de ne pas pas parler aux inconnus ! Faut pas jouer avec non plus - pour participer à des jeux d'enfants en compagnie d'autres participants. L'entretien de sélection est une partie (sans fin) de ddakji*. C’est le tout premier jeu auquel joue Gi-hun, et le moins qu'on puisse dire c'est que ça l'a... claqué.

Fin des spoilers

C'est à partir de cette scène-là que j'ai commencé à vraiment me sentir mal et c'e n'est pas allé en s'arrangeant. Mais j'ai regardé quand même. 

Avec son univers décalé, Squid Game frappe fort parce que même si on a l'impression de regarder une série sheitan, on se prend au jeu très rapidement. La tension est permanente et la bande son, superbement flippante, vous vrille les nerfs. Quant au jeu des acteurs, chapeau bas ! On s'attache à certains personnages, ce qui ne sert à rien vu que l'espérance de vie de Squid Game est ridiculement faible. S'il y a de courts et fragiles moments d'humanité, le reste du temps, c'est carnage et cie. Car comme dans toute situation de crise, l'homme ne se perd pas en atermoiements et libère la pire version de lui-même en deux-deux !

Des rôles principaux aux rôles secondaires, en passant par les figurants - dont on souligne trop rarement le mérite- rien n'est à jeter !! Le papy nous a tous conquis je crois, la Nord-coréenne, raaaah, mon coeur se serre rien que de penser à elle, Seong Gi-hun est excellent bien sûr et sa naïveté aussi navrante que réconfortante. Il ressemble d'ailleurs beaucoup à Ali, le Pakistanais, qui a marqué les esprits dès le premier épisode mais qui a fini par nous faire grincer des dents de frustration. Et l'autre folle qui utilise son... charme avec un aplomb désopilant pour survivre ou encore ce croyant qui cherche dans la religion la justification de ses pires actions.

Et puisqu'on parle religion :

J'ai aimé Squid Game mais je n'en suis pas fière. Je m'interroge sur ce que ça dit de moi. Si j'ai aimé la série, vais-je aller en enfer ? 😅 En quoi suis-je si différente des richards malsains pour qui était organisé ce spectacle macabre ? Mis à part le fait que je ne suis pas riche ? Ce qui fait une différence de taille ! Mais attendez ! Si en tant que pauvre, j'ai pris du plaisir à voir des malheureux se faire zigouiller et s'entretuer pour divertir des riches, n'est-ce pas pire en un sens ? Même si je sais que c'est une fiction... quoique : qu'est-ce qu'on en sait en vrai ? Les faits divers abondent d'exemples sordides d'exploitation de l'homme par l'homme. Malgré le cas de conscience que me pose cette série que j'ai appréciée à l'insu de mon plein gré, est-il acceptable que je la recommande ? Je pourrais me dédouaner en avançant que le salut est individuel... mais quand même. Pour l'anecdote, j'ai des amies coréennes qui refusent de regarder la série, trop glauque. Je comprends totalement et je me demande si je n'aurais pas dû m'abstenir moi aussi. 

Dernière question : si j'avais été un joueur, comment me serais-je comportée** ? Suis-je prête à tout pour survivre ? Ce qui me ramène à ce problème évoqué en introduction : si je ne suis pas prête à tout pour survivre, mérité-je de mourir ?

Netflix a confirmé une deuxième saison de Squid Game...  ça n'arrange pas mes affaires ça 😅 Stop ou encore ? Je vais me retrouver devant le même choix cornélien que les joueurs de la série qui ont dû voter pour savoir s'ils continuaient ou arrêtaient de participer au jeu mortel. 

Qui va regarder ?

*Le ddakji est un carré de papier plié. Ce jeu traditionnel consiste à jeter avec force son ddakji sur celui de son adversaire posé au sol, et de le retourner.

** En écrivant ces mots, j'ai pensé aux paroles de la chanson de Goldman, magnifique,  Né en 17 à Leidenstadt