Je suis pour la liberté d'expression (et pour la paix dans le monde, l'éradictation des maladies, l'éducation des filles - j'aurais fait une excellente Miss France, je sais). Ceci étant dit, il serait bon d'arrêter de prendre un air pénétré comme s'il s'agissait d'une spécificité inscrite dans les gènes d'une élite d'intellectuels bon teint.
Depuis les évènements tragiques du 7 janvier, les médias, les politiciens et autres "spécialistes" tournent en boucle sur ce thème. La liberté d'expression défendue par des professionnels de la langue de bois, de la rétention d'information et de l'auto-censure complaisante ? S'il n'y avait pas eu 17 victimes, ça en serait risible.
"- Mais réfléchis un peu !
- Je peux pas, je suis allergique !"
Anonyme
Il "se généralise une forme de méfiance envers tout ce qui ressemble de près ou de loin à une réflexion intellectuelle", écrit à juste titre le linguiste Alain Bentolila, auteur de "Comment sommes nous devenus si cons". (First Editions)
Aujourd'hui, ce qu'on appelle "réflexion" est un mirage. On croit la voir là où elle n'est pas. Par pure paresse et par une contrainte de temps imposée par les médias, on préfère adopter un mode de pensée binaire qui permet de se prononcer à chaud. C'est oui ou non. Blanc ou noir. Bien ou mal.
Bon. Dans certains cas, le système binaire convient. Ex :
- Voler, c'est mal.
Celle-là était facile. Mais dans la vraie vie, il y a des "pièges". Ex :
- Robin des Bois (miaaaam, beau gosse) vole (rhoo pas bien) les riches pour donner aux pauvres (argh, je ne sais que penser, mon cerveau a pris feu!).
Proposition d'analyse : bien qu'il soit hors-la-loi, Robin est un homme de valeurs.
Le condamner directement aurait été plus percutant et plus rapide, mais cogiter, même brièvement, nous a permis de faire la part des choses. Malheureusement, il semblerait que la nuance n'intéresse plus grand monde.
A tort ou à raison
User de la liberté d'expression ne veut pas dire avoir raison à tous les coups. C'est peut-être une évidence pour toi, mais certains sont convaincus du contraire, un peu comme si fréquenter le Club Med Gym faisait de nous tous des sportifs de haut niveau.
S'exprimer librement, c'est forcément courir le risque de se tromper. Ce qui est plutôt positif car c'est ainsi qu'on peut espérer faire avancer le dialogue... vu que ça n'apporte pas grand-chose au débat d'être d'accord avec ceux qui pensent comme nous. Encore faut-il être prêt à admettre l'erreur.
Or, les adorateurs anonymes du "c'est le dernier qui a parlé qui a raison" refusent d'avoir tort. Quand leurs propos indignent, ils se défaussent en blamant un public fermé à tout raisonnement et réfractaire à la liberté d'expression. Ils ne s'excusent que rarement et avec une telle mauvaise grâce, que le public, de blessé, se sent insulté.
Pourquoi ne pas reconnaitre tout simplement que la liberté d'expression s'apparente parfois au droit d'être con ?
A tort et à travers
L'actualité nous prouve régulièrement que ce n'est pas parce que la liberté d'expression est un droit pour tous que tout le monde peut dire n'importe quoi…
Comme il est impossible de mettre un micro devant la bouche béante de chaque Sans-dents, les gens qui s'expriment sont souvent les mêmes.
Ceux qui délimitent la frontière entre l'acceptable et l'inacceptable, l'erreur et la faute, le dérapage et l'appel à la haine, fréquentent les mêmes cercles que ceux qui s'expriment. Cette connivence altère le jugement.
Personnellement, je n'admets pas qu'on vienne me dicter ce que je dois penser et m'indiquer où je dois rire. Il me semble que si la liberté d'expression se colore d'un profond sentiment de supériorité, elle rend l'"orateur" inapte à la réflexion. Elle devient une arme pour défendre une idéologie et non des idéaux.
Que chacun se débrouille avec sa conscience.
Je suis pour la liberté d'expression, je le répète. Je suis aussi pour l'intelligence et le respect.
Commenter cet article