Il te reste jusqu'à ce soir, minuit, pour participer au concours lancé par American apparel. La marque américaine est à la recherche de la plus belle paire de fesses du monde, depuis trois semaines. Poussée par une curiosité masochiste, je suis allée faire un tour sur le site de la marque, histoire de voir qui prétendait à ce titre. Je voulais voir, j'ai vu !
Des fesses en veux-tu-en-voilà, en string, en shorty, en body.
Que des petits formats, qui se cambrent tant et plus pour se donner un peu de volume. Au risque de passer pour une aigrie, jalouse de surcroît, je dois avouer que j'ai trouvé ce spectacle d'une monotonie navrante.
Je veux dire, où sont les autres croupes, les vraies ? Je ne parle pas forcément des peaux d'orange ou des vergetures, je parle de celles qu'on n'expose pas naturellement sur la place publique et qui pourraient pourtant prétendre à leur heure de gloire. Ne serait-ce qu'au nom de la diversité, par exemple. Parce que tous les goûts sont dans la nature.
Comment ça, non ? Qu'est-ce qu'il a ton postérieur !?
Vas-y, arrête un peu avec ça : ton boule, c'est pas « Tu l'aimes ou tu le quittes ». Tu peux le renier autant que tu veux, genre « Hein quoi, ce gros machin qui me suit à la trace, nan, connais pas, jamais vu ! » nous on sait bien que c'est le tien ! Ben tiens ! Et l'ignorer ne le fera pas disparaître. Ce n'est pas comme si tu pouvais le cacher éternellement sous des jupes de gitane ( un peu démodé, non ? ) ou des longs t-shirts ( c'est pour les ado rebelles, ça ). Pas très fair play non plus de le noyer dans des futes informes, surtout que tu n'as plus l'âge ( vieille et aigrie, rappelle-toi ). Dis-toi juste qu'à moins de marcher en crabe, dos au mur, ton boule, tout le monde le voit.
Oui, on sait que le monde en question est peuplé de méchantes filles qui ont toutes un boule plus sympa que le tien - car c'est mathématique, la fille d'à côté est toujours mieux gaulée que toi, le Dieu des Complexes veille au grain- et de vilains garçons qui ne veulent décidément pas s'occuper de ta beauté intérieure. Ni même de ton bonnet d'ailleurs, sur lequel tu as pourtant plus de contrôle grâce à une lingerie soigneusement choisie.
Mais là n'est pas la question.
Résumons : le boule est donc là, bien accroché. A part la chirurgie esthétique, les pétrissages musclés pour en réduire le volume et les aspérités ou en dernier recours, la sollicitation intensive des muscles fessiers, ton derrière restera à peu près en l'état. Tu n'as d'autre choix que de suivre la voie de l'acceptation absolue. Si tu veux te réconcilier avec cette partie charnue de ton anatomie, si tu veux qu'elle devienne une alliée plutôt qu'une ennemie, tu dois porter le bon jean. Il te guidera dans ta quête spirituelle.
Et là, j'avoue, c'est pas gagné. Nous sommes torpillées par la mode dont la fonction première n'est pas, contrairement aux idées reçues, de nous mettre en valeur.
Je ne voulais pas cracher mon venin, mais je m'interroge : quel drame intérieur ont vécu les créateurs qui nous ont pondu le slim ( j'ai l'air de m'acharner, je sais, mais le slim, ça ne passe pas ). Je pense qu'ils en veulent à la terre entière et qu'ils ont décidé de nous rendre plus laides que nous ne le sommes déjà.
Et le jean boyfriend, tu connais ? Il possède la particularité de tomber comme un sac à patate et de te laisser les chevilles à l'air. L'idée, c'est que tu l'as emprunté à ton mec. Qui serait donc plus petit que toi, si on a bien tout compris. Et tant pis pour toi si tu n'as pas de chéri, grand ou petit. Ca, c'est pas le problème des créateurs. Y en a vraiment qui ne perdent pas une occasion d'enfoncer le couteau dans la plaie et de racler bien au fond.
Pour en revenir au jean boyfriend, si le but du jeu est de rendre l'arrière-train invisible, autant revenir au baggy ou mettre ta jupe de gitane démodée.
Mais il faut garder la foi. Si tu cherches bien, tu devrais finir par dénicher le bon jean et si ça se trouve, un jour tu participeras à un concours de lingerie et tu gagneras pour 300 dollars de culottes ( que tu ne sauras pas où ranger ). Tu feras peut- être même partie des finalistes sélectionnées pour devenir 'mannequins fesses' de la marque ( la grande classe ! ). Tu regarderas ta photo étalée sur un site web, tu liras les commentaires laissés par des internautes survoltés par le potentiel érotique de ton derrière. Le must : tu pourras un jour montrer à tes petits-enfants combien "mamie était moderne" avec la vidéo de cette pub, que tu auras tournée : toi, la fesse pétillante dans un string American apparel : "Mon boule presqu'à poil sur la toile ? Parce que je le vaux bien !"
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