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Allô, la terre ?


Tu rentres comment ?

Publié par Tatie Danièle sur 24 Septembre 2019, 21:18pm

Catégories : #espace public, #insécurité, #harcèlement, #violences, #suiveur, #femmes, #transports en commun, #métro, #ange gardien, #WTF, #2019

 

Question basique de fin de soirée. Tellement basique qu'on en oublierait presque sa signification réelle. 

Tu as ton manteau sur le dos, le sac à l'épaule et la tournée des bises s'achève. Comme d'habitude, tes potes te demandent : "Tu rentres comment ?". Ce n'est pas une simple question informative. Que tu rentres en métro ou à dos de poney est un détail. Sous-jacente, la vraie question concerne ta sécurité : "Est-ce que tu es sûre d'arriver à bon port... et en un seul morceau". 

Inquiétude infondée ? Si seulement...

Vendredi soir, j'ai répondu à cette fameuse question par un "métro" très confiant. Il était 1h00 passée mais d'après mes calculs j'avais largement le temps d'attraper ma correspondance.

On avait pourtant désigné une copine véhiculée pour me raccompagner. Sauf qu'elle n'habite pas dans Paris et que ça m'a gênée d'être déposée comme une princesse devant ma porte, alors que ça lui faisait faire un détour d'une bonne demi-heure. Certes, l'espace public est un territoire particulièrement inamical mais ce n'est pas encore devenu un coupe-gorge, non ?  Si ?!

Je suis donc rentrée seule, comme prévu.

Je suis à 5 stations de la maison, quand un type s'assied à côté de moi. Je remarque tout de suite deux choses : son odeur rance et sa cuisse qui envahit mon espace vital. Ce manspreading m'agace plus que l'odeur, mais ce n'est pas à 1h30 du mat' que je vais tenter de me faire respecter.

Quand arrive ma station, je me lève. Et là, il se passe un truc bizarre. Je ne regarde pas le type mais "je sens" qu'il se redresse brusquement et qu'il cherche à voir le nom de la station où on se trouve. Et à cet instant précis une pensée me traverse l'esprit : "Ce n'est pas sa station mais il va descendre quand même".

Je ne me retourne pas pour vérifier parce que cette pensée me paraît farfelue. Mais je trace : premier couloir, un escalator, je passe les portillons. Un autre couloir, un autre escalator et je suis à l'air libre. Pendant tout ce temps, j'ai marché d'un pas vif. Plus par habitude que par peur en vérité, mais je mentirais si je disais que j'avais complètement "oublié" l'existence de l'autre gus.

Une fois dehors, je contourne la bouche de métro. J'écoute mon instinct et jette un oeil sur le côté, mine de rien. Qui vois-je jaillir de la bouche de métro à ma suite ? Le type. 

Oh oh.

Hors de question de rentrer directement chez moi. Je marche toujours d'un pas vif et je traverse une rue. Au bout de quelques mètres, je commence à ralentir et je m'arrête brusquement. Mon suiveur, se croyant très malin, est resté sur le trottoir d'en face. Dix secondes plus tard, je le vois jeter un coup d'oeil vers mon trottoir, au niveau où j'aurais dû me trouver si j'avais continué mon chemin à la même allure. Ne me voyant pas, il sursaute littéralement, avance encore mais d'un pas incertain puis se retourne carrément. Il me repère immédiatement : je tiens mon portable comme un talkie walkie (pourquoi ? je ne sais pas) et je suis en train de parler à un interlocuteur imaginaire.

Le type se détourne, avance encore un peu, au ralenti maintenant, puis se dévisse une nouvelle fois le cou pour voir si je me décide à reprendre ma route. Comme je n'ai pas bougé d'un pouce, il s'arrête à son tour.

"L'heure de vérité a sonné", je pense en serrant les fesses.

Il fait demi-tour, en essayant de rester naturel. À l'abri sur mon trottoir mais toujours en alerte, je le regarde passer devant moi. Sa retraite est d'abord lente mais brusquement il accélère la cadence. Il prend la fuite, clairement. Mais ce n'est que maintenant que je comprends qu'il a dû croire que j'étais en ligne avec la police. Je suis restée plantée là, à le suivre des yeux. Je m'attendais à ce qu'il reprenne  le métro, mais non, il a fait le tour de la place et a disparu.

J'ai alors pris mes jambes à mon cou. Une fois chez moi, les questions ont commencé à tourner : Où est-il allé ? Est-ce qu'il est parti se chercher une autre fille à prendre en filature ? Si oui, est-ce qu'il va l'agresser ? Est-ce que ce soir c'était "l'occasion qui fait le larron" ou ai-je eu à faire à un prédateur récidiviste ? Qu'est-ce qui me garantit qu'il n'est pas du quartier ? Est-ce que je vais le reconnaître si je le recroise ? Est-ce qu'il va me reconnaître  si je croise ? S'il me reconnaît, est-ce qu'il va vouloir se venger et finir le travail ? Est-ce que j'aurais dû faire un saut au commissariat pour le signaler ? 

Pendant que j'écris ces mots, je me rends compte que j'aurais dû le filmer.

Je m'en veux maintenant. Mais surtout, Je suis furieuse. Je suis furieuse de devoir être constamment sur mes gardes parce que des individus considèrent certains de leurs semblables comme des proies qu'on peut prendre en chasse. J'ai un pass navigo qui me garantit le droit de circuler librement mais à mes risques et périls. Je trouve ça fou d'être anormalement soulagée de rentrer chez soi entière, alors qu'on ne revient pas du front mais juste de soirée !

Mais ça, tout le monde en est conscient. C'est ce qui explique que tes potes te demandent "Tu rentres comment ?", quand tu t'en vas seule de ton côté. 

La prochaine fois, je répondrais : "Avec mon ange gardien". Parce que vendredi soir, je peux vous assurer qu'il était à mes côtés.

 

 

 

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H
Le pire c'est que ce genre de mésaventures arrivent bien plus souvent qu'on ne le pense. C'est inadmissible.
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T
Mais c'est ça ! Et ce qui rend dingue c'est le sentiment d'impuissance. J'ai fini par aller au commissariat parce que j'ai percuté qu'une partie de "la scène" avait dû être filmée par la caméra de surveillance d'une banque. Mais les flics m'ont expliqué que pour saisir la vidéo, il aurait fallu que je sois physiquement agressée. Voilà voilà. Je m'en doutais (comment porter plainte contre un type qui n'a fait "qu'essayer" de te suivre chez toi?), mais j'espérais quand même qu'il était possible de faire un signalement à titre préventif. Pas que pour moi mais aussi pour les autres nanas qui auront le malheur de croiser sa route...

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