Quand ma pote E., m'a annoncé qu'elle avait 2 invitations pour voir "Oh Lucy", un film avec Josh Hartnett (Oh my !), en avant-première* à l'UGC des Halles et que l'acteur serait présent...wizz, Whatsapp a pris feu !
- Je vais direct aller au boulot en tenue de soirée !
- Je lui demanderai de me signer le torse à même la peau !
(censored)
- Je vais me teindre les cheveux en rouge et les laisser en crête, pour qu'il me repère de loin !
- Je vais venir nue !
(censored)
- Dans le noir au dernier rang de toute façon il ne nous verra pas :-/
- Si ! Parce qu'on pourra se lever facile et exécuter la chorégraphie d'Elvis the Pelvis !
Bref, ça a continué sur ce thème un bon moment. Mais parlons un peu du film.
"Oh Lucy" est un road movie entre Tokyo et le sud californien. Il raconte l'histoire de Setsuko, célibataire amère (sa soeur a "volé" son mec donc ceci explique un peu cela) qui, pour faire plaisir à sa nièce Mika, va prendre des cours d'anglais avec John. La pédagogie de ce dernier est pour le moins originale : il affuble ses élèves de perruques (blonde bouclée pour notre héroïne), les rebaptise avec des prénoms américains (pour Setsuko, ce sera Lucy) et leur apprend l'art délicat du hugh. Forcément, badaboum, notre Lucy tombe amoureuse de ce charlatan sympathique (et séduisant) (et particulièrement câlin) (quand on y pense, la pauvre n'avait aucune chance), mais lui s'enfuit avec sa nièce aux Etats-Unis. Setsuko décide de partir à leur poursuite et sa soeur Ayako (la mère de Mika donc) s'incruste dans l'aventure.
Le film s'ouvre sur le suicide d'un passager dans le métro de Tokyo. Lors de l'avant-première, la réalisatrice Atsuko Hirayanagi a expliqué que cette scène devait nous amener à comprendre que Setsuko était suicidaire et que l'acte désespéré de cet homme aurait très bien pu être le sien. Ce n'est pas forcément la première chose à laquelle on pense quand on voit évoluer cette quarantenaire austère (mon Dieu, faites que je ne devienne pas comme elle !) (en même temps, ma soeur ne m'a pas encore fait un enfant dans le dos avec mon mec) (bon, j'ai pas de soeur) (et pas de mec), mais ce qui saute aux yeux, c'est que cette femme semble observer le monde qui l'entoure et les interactions sociales avec un détachement confinant au mépris. La scène de départ à la retraite d'une de ses collègues critiquée de tous mais couverte de présents et de mots doux pour l'occasion en est un parfait exemple.
Setsuko (interprétée magistralement par Shinobu Terajima) vit chichement, recroquevillée en elle-même dans un capharnaüm oppressant. Finalement, son existence ne tient qu'à un fil, celui de la vitalité des autres. Il y a d'abord sa nièce, une jeune femme vive et taquine à laquelle elle est très attachée. Puis John, cet étranger farfelu qui va ranimer ses pulsions de vie. Et enfin, Komori. Cet autre élève de John à l'enthousiasme factice la ramènera dans le monde des vivants.
On ne va pas spoiler promis, mais Setsuko aka Lucy va faire sa tarée aux States. Dans les grandes largeurs, comme si les digues avaient cédé. Elle va trahir la confiance de ceux qui l'entourent et se retrouver encore plus seule à l'arrivée. Mais dans l'intervalle, ses échanges avec les autres personnages vont mettre au jour leurs propres failles, leur propre solitude.
Quant à Josh Hartnett, il est aux antipodes de ses rôles habituels (Slevin, Peal harbor, Burnraku), mais très crédible et touchant dans la peau de John. Dans sa chemise rayée bien propre et ses petites lunettes rondes, il dégage toute l'assurance d'un bonimenteur.
Mais sans son "déguisement" de prof, John n'est en fait qu'un mec un peu tricheur, un peu player, un peu loser surtout. Un type qui, dans la vie de tous les jours, porte des tee-shirts avec mollusque inscrit dessus. John a beau être choupinou comme tout, il est clairement dépassé par les évènements.
Le premier long-métrage de Atsuko Hirayanagi est bien perché. Touchant, drôle et délicat. C'est un film sur la fragilité et l'imprévisibilité de la vie. La réalisatrice instaure tout un jeu de bascule, des situations à deux doigts de déraper qui retrouvent une stabilité in extrémis, ou au contraire des chavirements vertigineux auxquels personne ne s'attendait. Le petit coeur sensible du public valdingue d'une émotion à l'autre. Des éclats de rire s'étranglent brusquement devant la gravité inattendue d'une scène ; et les agissements des personnages nous scotchent, hallucinés au fond de nos fauteuils. "Noooon!", "Qu'est-ce qu'ils sont en train de faire, là ?", "Mais pourquoi ?!".
Quoiqu'il en soit, on est totalement embarqué dans ce périple d'une grande fraîcheur, car "Oh Lucy" est un film sincère. Dans "Ecrire une comédie : les outils indispensables" de Steve Kaplan, l'auteur explique : "Si vous dîtes la vérité sur vos personnages, si vous les autorisez à être humains comme le reste d'entre nous, vous verrez que ce sont des non-héros, c'est-à-dire qu'ils sont coincés comme des rats, tout comme nous".
Voilà pourquoi ce film nous donne envie de traverser le quatrième mur et de prendre tous les personnages de "Oh Lucy" dans nos bras pour un bon gros câlin...
*C'était le 15 janvier, oui, bon, j'ai mis un peu de temps à redescendre de mon nuage.
Info de taille : Josh Harnett sent super bon
Non, je n'ai pas le flair d'un chien de Saint-Hubert, c'est "juste" que Monsieur Hartnett s'est posté plusieurs minutes (ou secondes, qu'importe ! Quand on aime on ne compte pas !) à côté de nos sièges avant de rejoindre le devant de la scène pour l'échange avec la salle. Voilà Voilà.
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