"Mouais, je m'attendais à mieux".
"'Punaise, c'était looooong. Remarque, j'en ai profité pour envoyer mes textos en retard."
Après avoir entendu ces commentaires peu engageants sur The Revenant d'Alejandro González Iñárritu, j'ai été tentée de faire l'impasse. Après tout, le temps est une denrée précieuse (surtout quand on a tendance à procrastiner), pouvais-je vraiment me permettre de perdre 2h36 de ma vie ?
En même temps, difficile de passer à côté du film qui a permis à Leonardo DiCaprio de briser "la malédiction des Oscars". C'est quand même un évènement que notre Rose intérieure attendait ardemment depuis la mort tragique de Jack dans les eaux glacées de l'Atlantique : qu'il brandisse enfin sa statuette vers le ciel en criant "Woow, I'm the king of the world!!".
Bref, finalement j'y suis allée parce qu'en 1998, j'étais bien parvenue à rester devant Titanic pendant 3h30 sans broncher, alors je pouvais bien survivre à The Revenant.
Petit copié-collé tronqué et commenté du pitch :
"Dans une Amérique profondément sauvage (comprendre : nature inhospitalière avec plein d'Indiens, d'Américains et de Français cachés dedans... de ceux que tu n'aimerais pas croiser le soir, dans une rame de RER déserte), Hugh Glass, un trappeur (genre taiseux mais qui peut se montrer très braillard quand il est à l'article de la mort), est attaqué par un ours (une maman ourse en fait, qui ressemble étrangement à la mère de Youk, dans L'Ours de Jean-Jacques Annaud, sorti en 1988) et grièvement blessé. Abandonné par ses équipiers, il est laissé pour mort.
La suite du résumé est un peu trop lyrique à mon goût, alors j'abrège : grosso modo, Hugh Glass a été trahi par une raclure qui lui a enlevé ce qu'il avait de plus cher (et je ne parle pas de ses bijoux de famille). Pour assouvir sa soif de vengeance, Glass va défier la mort (je te laisse apprécier la subtilité du jeu de mot : Glass, soif..., merci, je sais, le talent ne s'invente pas).
VERDICT : A part l'interminable plan-séquence du début qui m'a donné la nausée (il est vrai que je venais d'engloutir un plat de haricots rouges en quatrième vitesse), j'ai adoré. Les histoires de vengeance ça marche toujours avec moi, surtout quand le héros devient superhéros, qu'il survit à tout, aux coups de griffes et morsures de Maman Ourse, à un vol plané à dos de cheval improbable (j'en ai pleuré de rire, mais je ne crois pas que c'était le but recherché par le réalisateur), qu'il cautérise ses plaies sans anesthésie, ou encore qu'il mange son poisson cru au lieu de le faire cuire sur le feu qui brûle juste à côté. C'est tellement roots, tellement wild, tellement...berk !
J'aime aussi le fait que ce film soit tiré d'une histoire vraie. J'éprouve un profond respect pour les gens qui refusent de mourir. Et je suis fascinée par le concept de vengeance même si j'essaie personnellement de pardonner (alternative à laquelle sont condamnés ceux qui n'ont ni les moyens ni le courage de leurs pulsions).
Si je ne devais retenir qu'une phrase de The revenant, ce serait cette déclaration de Hugh Glass : "Je n'ai plus peur de mourir, je suis déjà mort". De fait, Leonardo DiCaprio parle d'or. Il était déjà bien mort à la fin de Titanic en amoureux transi de froid qui préfère finir comme un findus au fond de l'océan plutôt que de mettre en péril la vie de sa belle (alors qu'on sait tous qu'il y avait largement de la place pour deux sur cette satanée planche !!! ) et le voilà qui revient dans "The Revenant", tout fringuant, (enfin, avec 20 ans de rides et de kilos en plus quoi) prêt à boire de nouveau la tasse dans un lac quasi gelé mais déterminé cette fois-ci à refaire surface (merci mon Dieu, notre Rose intérieure n'aurait pas supporté de devoir poster un #RERIP larmoyant sur Twitter).
MORALITE : l'amour te fait toucher le fond, et l'esprit de vengeance te maintient la tête hors de l'eau.
Pour aller plus loin
A voir (ou revoir) : le moyen métrage franco-américain Wings of courage de Jean-Jacques Annaud (encore lui !) qui retrace la lutte pour la survie du pilote de l'Aéropostale Henri Guillaumet après son atterrissage forcé dans la cordillère des Andes. Guillaumet a tenu 5 jours et 4 nuits en plein hiver austral. "Ce que j'ai fait, aucune bête ne l'aurait fait", a-t-il confié à Antoine de Saint-Exupéry quand ce dernier l'a retrouvé.
A lire : un article drôlissime dans The Guardian sur la capacité des acteurs à augmenter leurs chances de survie d'un film à l'autre. Le journaliste s'appuie entre autres sur le cas de DiCaprio et de Matt Damon. Ca se passe ICI.
Le roman de Joseph Boyden "Dans le grand cercle du monde" (mais c'est vraiment facultatif car le récit est dense). L'auteur nous immerge dans le Canada du 17e siècle, où des jésuites français vont tenter d'évangéliser les populations autochtones alors qu'une guerre sans merci oppose les Hurons et les Iroquois. Ses descriptions sont visuellement très puissantes et les superbes images d'Alejandro González Iñárritu ainsi que la dynamique entre les Indiens et les Occidentaux m'ont immédiatement évoqué le roman de Boyden.