T'arrive-t-il parfois d'avoir envie de comprendre comment tu en es arrivée là ? Ou comment tu t'es débrouillée pour n'arriver nulle part ?
Moi non. Enfin, plus maintenant. La vie étant une lente agonie, j'ai décidé d'économiser mes forces et de laisser à mes futurs biographes le soin de trouver et d'expliquer le pourquoi du comment. Cependant, le destin laisse rarement les fatalistes ruminer tranquille et s'amuse à semer sur leur route des indices indésirables.
C'est ainsi que j'ai vécu une épiphanie bouleversante cette semaine en retrouvant la partition ci-dessus.
Il se trouve que dans ma jeunesse, j'ai suivi une année de chant lyrique au conservatoire et j'ai travaillé pendant quelques semaines cette aria tirée de l'opéra Amadis de Jean-Baptiste Lully. C'est avec un effarement jubilatoire que j'ai redécouvert ce texte :
"Amour, que veux-tu de moi ? Mon coeur n'est pas fait pour toi, mon coeur n'est pas fait pour toi.
Non, ne t'oppose pas au penchant qui m'entraîne, je suis accoutumée à ressentir la haine, je ne veux inspirer que l'horreur et l'effroi.
Amour que veux-tu de moi ? Mon coeur aurait trop de peine à suivre une douce loi
C'est mon sort d'être inhumaine,
Amour que veux-tu de moi, mon coeur n'est pas fait pour toi ! Mon coeur n'est pas fait pour toi !"
Et comme je suis sûre que tu brûles d'impatience d'entendre ce que ça donne, tadam !
Pour les puristes, vous trouverez ICI une version plus "classique" de l'aria (mais sans mise en scène, tant pis pour vous).
C'est quand même fou, non ?
Qu'est-ce qui a poussé ma prof de chant à me faire étudier cet air-là ? A-t-elle perçu chez l'adolescente que j'étais une fibre vibrante d'aigreur qui ne demandait qu'à se déployer ? Ou m'a-t-elle manipulée et transformée en pimbêche acariâtre ? Car pour ceux que ça intéresse, Amadis est un opéra sur la vengeance et "Amour que veux-tu de moi" est interprétée par le personnage d'Arcabonne, une enchanteresse liée aux Enfers (youhou). Elle se déplace par voie aérienne, portée par des démons (hem). Et même si à un moment, elle fait sa gentille, elle meurt salement lors du dernier acte, ce que je trouve un peu fort de café !
Voilà la vérité nue ! Je ne suis pas née folle, vieille et aigrie. Je le suis devenue à mon corps défendant en répétant à n'en plus finir le chant funeste d'Arcabonne. Sans le savoir, je me suis auto-maraboutée et j'en avais refoulé le souvenir jusqu'à aujourd'hui. Maintenant, je sais (ce qui me fait une belle jambe).
La bonne nouvelle, c'est que cette aria va se retrouver sur ma playlist de la "Sans Valentin" 2018 !
Et toi, quelle est la chanson qui t'a marqué ?
Commenter cet article