Mon dico de l'aigreur : le selfie

Le selfie : compulsion dont souffre une grande partie de la population mondiale sans distinction de sexe, d'âge ou de quotient intellectuel. Observée à l'origine chez ceux qui n'avaient pas d'amis pour leur tirer le portrait, il s'est démocratisé et est devenu l'art existentiel d'immortaliser ses mimiques et de les partager à qui n'en a que faire (parents, amis, collègues, illustres inconnus). Le selfie est l'activité idéale pour qui aime, comme Narcisse, sourire béatement à son reflet, (on ne juge pas, ce n'est pas plus honteux que de se parler à soi-même), mais c'est aussi, voire surtout, un sacré boosteur d'ego pour les moches (et moins moches). Des psychologues de l'université de Toronto au Canada ont en effet observé que les amateurs de selfies se trouvent plus séduisants qu'ils ne le sont en réalité. Cette tendance à prendre des vessies pour des lanternes porte un nom : c'est le "biais d'autocomplaisance*". Ici, il est lié à la fréquence des selfies, ainsi plus l'individu en prendra, plus il se trouvera canon. Oui, c'est magique** ! Et c'est pratique : il vaut mieux être le premier à se trouver beau plutôt que d'attendre vainement que quelqu'un le fasse à votre place. 

*Observable chez les petits chefs et les hommes politiques (entre autres), le biais d'autocomplaisance est le tour de passe-passe par lequel les gens attribuent la causalité de leur réussite à leurs qualités propres (causes internes) et leurs échecs à des facteurs ne dépendant pas d'eux (causes externes), afin de maintenir une image de soi positive (source Wikipedia).

** Comme avec Gigi -dessin animé des années 80- qui d'un coup de baguette "créé un monde angélique où tout devient féérique".